APPROCHE DU PÉCHÉ
Lorsque nous avons
parfaitement réalisé notre union avec la Réalité Divine, il n'y a
plus de péché. Réaliser cette union d'une manière parfaite, c'est
demeurer conscient à chaque instant de notre Essence Transcendante.
L'Union mystique est
donc notre but. Nous nous efforçons journellement d'avancer sur ce
sentier. Mais il faut bien dire que parmi ceux qui réalisent avec
persévérance un tel effort, seul un très petit nombre parvient
ici-bas, à demeurer effectivement et constamment uni à l'Essence de
toute chose. Pour la grande majorité des pèlerins, l'union mystique
demeure intermittente.
Il en est ainsi, car
nous sommes nés pécheurs, ce qui signifie que nous sommes des
créatures imparfaites. Nous sommes des êtres imparfaits appelés à
devenir parfaits, grâce à l'union mystique, qui n'est pas autre
chose que l'accomplissement de la Rédemption.
Prendre conscience de
notre état, état temporaire il est vrai, d'homme et de pécheur,
est important. Lorsqu'une telle prise de conscience fait défaut,
nous confondons l'idéal vers lequel nous devons tendre avec la
Réalité.
Seul celui qui est
constamment conscient de sa Réalité transcendante est sans péché.
Tout instant vécu dans l'oubli de Dieu est un instant vécu dans le
péché.
La notion de péché
gêne certaines personnes. Une telle gène est très révélatrice,
car il est effectif que la prise de conscience du fait que nous
soyons pécheurs n'est pas une prise de conscience agréable. Peu
importe ! Ce qui compte c'est qu'elle corresponde à une
réalité.
Vis-à-vis du concept
de péché, nous voyons se profiler deux types d'homme. Il y a ceux
qui ont ou bien qui désirent avoir, une haute opinion d'eux-mêmes.
Ceux-là rejettent le concept de péché. Pour eux c'est une vieille
histoire religieuse périmée. Une névrose culpabilisatrice. S'ils
sont matérialistes, ils ne demandent qu'une chose : qu'on les
laisse exprimer librement toutes leurs pulsions. Ils rêvent d'une
société « permissive » sans se rendre compte que la
libre expression de toutes les pulsions, parmi lesquelles figurent
inévitablement bon nombre de pulsions négatives et destructrices,
aboutirait au chaos social régi par la « loi de la jungle ».
S'ils sont spiritualistes, ils s'intéressent à une spiritualité
ornementale, s'apparentant « aux techniques pour être en
forme ». Ce genre de personnes constitue la « clientèle »
de toutes les fausses spiritualités. À ces gens-là, nous devons
dire que toute spiritualité authentique s'accompagne d'une ascèse
exigeante et d'une remise en cause radicale de la personne.
Le deuxième type
d'homme se trouve aux antipodes du premier. Les personnes se rangeant
en cette catégorie sont beaucoup trop convaincues d'être des
pécheurs. Le péché est un article fondamental de leur profession
de foi. C'est quelque chose de définitif et d'irrémédiable. Leur
pessimisme, leur refus des joies de la vie, leur besoin pathologique
de s'inférioriser, s'empare de la notion de péché et se justifie
par lui. Ces gens-là engendrent des sociétés puritaines, guindées,
sèches et moroses. Leur spiritualité à un goût de bière éventée.
Ils se méfient de l'ésotérisme. Quand on leur dit que la Réalité
profonde de l'homme c'est Dieu lui-même, source de toute perfection,
ils sont scandalisés et considèrent cela comme un blasphème. Leur
pessimisme viscéral de la nature humaine ne peut accepter une telle
notion. Pour eux l'homme est et sera toujours pécheur. La seule voie
possible c'est l'humiliation et la soumission aveugle aux décrets
religieux. L'homme est poussière et un abîme le séparera toujours
de Dieu.
Voici donc les deux
extrêmes dont nous devons nous écarter pour parvenir à une juste
perception du péché.
Prendre conscience de
notre état de pécheur, consiste à jeter un regard objectif sur ce
que nous sommes. Il s'ensuit que les notions de péché et d'humilité
sont indissociables.
Depuis fort longtemps
le mental s'est ingénié à secréter diverses espèces de fausses
humilités. La multitude des contrefaçons gêne la compréhension de
ce qu'est la véritable humilité. Toutes les notions essentielles de
la spiritualité ont subi au cours des temps de multiples
déformations. C'est un aspect fondamental des « résistances
secrètes » de l'ego.
La fausse humilité
consiste à « singer » l'humilité véritable. Elle est
faite d'un ensemble de déclarations apparemment humbles, mais en
réalité totalement hypocrites. « Je suis le dernier des
hommes » - « Je suis une balayure de la société »,
etc., déclare le faux humble. Ce faisant il essaye de copier et
d'imiter l'humilité réelle de certains grands Saints.
Parmi les « faux »
humbles, il en est qui cherchent simplement à tromper les autres.
Leur « humilité » est une attitude de façade. Mais il
en est d'autres qui à force d'auto-suggestion sont parvenus à se
duper eux-mêmes.
Si vous considérez
que l'humilité est une « qualité » qu'il faut acquérir,
vous vous dirigez tout droit vers une contrefaçon de l'humilité et
vous tomberez dans le dilemme suivant : pensant que l'humilité
est une qualité à acquérir, si vous parvenez à adopter une
attitude humble et à cultiver des pensées d'humilité, comment
échapperez-vous à l'orgueil qu'engendrera la constatation de votre
humilité ?
Chercher à vouloir
devenir humble, c'est automatiquement imiter l'humilité en adoptant
un ensemble d'attitudes et en produisant un ensemble de pensées.
La véritable humilité
résulte d'une prise de conscience. Est humble celui qui a constaté
sa médiocrité, son imperfection et ses péchés. Veuillez noter que
la constatation de nos péchés, constatation qui résulte de
l'observation attentive de l'homme, n'a rien à voir avec la
production verbale ou mentale de déclarations relatives à
l'humilité.
La fausse humilité
cultive le concept de l'humilité, afin de s'emparer fictivement de
cette qualité ; tandis que l'humilité véritable « touche
du doigt » la réalité de notre médiocrité.
Le faux humble au fond
de lui-même ne croit pas qu'il est médiocre, il ne croit pas, car
il ne l'a pas constaté. Il cherche simplement à ressembler à un
certain archétype spirituel et comme cet archétype contient la
notion d'humilité il imite celle-ci.
Celui qui est
véritablement humble a pris conscience de ses imperfections. Il a
mainte et mainte fois constaté son absence d’Éveil, son caractère
irascible, sa paresse, sa propension au mensonge ou à la médisance,
etc.. Toutes ces constatations l'emplissent d'insatisfaction et de
confusion. Plus il se sent imparfait et plus il aspire à la
perfection.
Quant à l'orgueil ou
à la fierté qui pourrait naître de la constatation de notre
humilité, c'est une plaisanterie qui ne s'observe que dans les cas
de fausse humilité. Seul celui qui contrefait l'humilité est fier
de celle-ci. En fait, il n'est pas humble et il jubile secrètement
de s'être revêtu d'une apparence d'humilité. De toute manière,
dans le cas de l'humilité véritable, si quelque orgueil survenait
il serait à son tour « constaté » et ne ferait
qu'allonger la liste des imperfections.
Ne peuvent s'abstenir
de l'humilité que les personnes qui ne se sont jamais observées. En
effet, si vous commencez à observer avec lucidité et sincérité
les sentiments, pensées et pulsions qui jaillissent dans le véhicule
humain, vous ne pouvez faire autrement que de constater
l'imperfection et la bassesse humaines. C’est donc l'observation de
l'homme, c'est-à-dire ce que nous sommes au niveau de notre
manifestation temporelle, qui engendre la prise de conscience de nos
péchés et c'est de la prise de conscience de nos péchés que
résulte l'humilité véritable.
À ce stade de
réflexion, la première question qui se pose est : pourquoi
nous qui, en notre Essence, demeurons indissociables de la Perfection
Suprême, sommes-nous devenus en notre manifestation temporelle des
créatures imparfaites, ayant une forte propension à commettre
toutes sortes de péchés ?
La réponse à ceci
est la suivante : pour nous séparer de la Perfection Absolue il
fallait nécessairement devenir des pécheurs. Chose qui est exprimée
par le symbole de l'arbre du bien et du mal. Ainsi donc,
l'imperfection était le prix qu'il fallait payer pour devenir une
individualité. Devenir une individualité c'est sortir de
l'indistinction originelle source de toute perfection. Cette sortie
est une chute dans le monde de la matière et du péché. Grâce à
cette chute, nous sommes devenus un être indépendant, mais cette
acquisition n'est pas accompagnée de la terrible perte de notre
Réalité transcendante. Voici pourquoi il faut maintenant accomplir
la Rédemption, en laquelle l'individualité, tout en conservant
l'individualisation acquise, fusionne avec sa propre Essence en
mettant fin à l'illusion de la séparation.
Grâce au processus de
la Création, Dieu, l'Unique Réalité, devient l'apparence de la
multiplicité des créatures vivantes. Ce faisant il donne et partage
son fait d'Être, en une myriade de consciences d'exister. Ceci est
le Don suprême de Dieu. La création étant la Manifestation de
l'épanchement de son Amour. Ce Don est en même temps le sacrifice
Suprême, par lequel Dieu s'immole, pour donner naissance au
multiple. Lui qui est toute perfection et toute puissance, doit
accepter de devenir imparfait et limité, pour que le multiple
naisse. Il doit permettre l'apparition du péché et commettre des
péchés au travers des créatures vivantes. En un mot il doit perdre
sa Divinité et s'abaisser au niveau de la créature, en devenant les
créatures.
Le sacrifice du Christ
est le symbole terrestre du sacrifice de Dieu. Il n'en est que le
symbole et non point la limite. Car ce n'est pas seulement dans le
Christ que Dieu accepte la crucifixion de l'incarnation, c'est en
toute créature vivante. La différence entre le Christ et les autres
créatures vivantes, c'est que dans le Christ, de même que dans
toute personne spirituellement Réalisée d'une manière parfaite,
c’est-à-dire constamment consciente de son Unité avec le Père
Divin ou l'Essence de toute chose, dans le Christ donc,
l'individualité accomplit une œuvre Rédemptrice, en montrant aux
hommes le chemin de la Rédemption.
En diverses traditions
non chrétiennes, la notion du sacrifice Divin est exprimée d'une
manière parfaite, lorsque l'on dit que l'univers est la conséquence
du sacrifice ou du démembrement de l'Ancêtre Originel. Tel est
également le sens ésotérique du démembrement d'Osiris et de
Dionysos. À l'origine, affirment les Védas, Dieu se sacrifie pour
que naisse le multiple. C'est la tragédie Cosmique à laquelle Dieu
consent par amour.
Dans l'économie
Divine, ce sacrifice, cette acceptation nécessaire de la dualité,
de la séparation, du mal et du péché, n'est qu'une phase grâce à
laquelle peuvent s'accomplir les gloires de la Rédemption. Grâce à
laquelle le multiple peut, tout en demeurant multiple, cesser d'être
séparé de l'Unique qui l'a engendré et participe à sa Béatitude.
Connaître les raisons
pour lesquelles le péché existe ne signifie pas approuver le péché.
Le mal existe nécessairement, mais il existe pour être vaincu.
Fondamentalement, le
péché résulte de notre séparation avec Dieu. C'est parce que nous
sommes inconscients de la Réalité Divine, que la Lumière de
celle-ci ne nous éclaire pas. Accomplir notre Rédemption consiste
donc à devenir conscient à tout instant de notre Essence
transcendante.
Les codes moraux ne
sont que des garde-fous imparfaits à l'usage des hommes plongés
dans les ténèbres. Ce n'est pas d'eux que provient la véritable
perfection. Libération du péché et Éveil sont indissociables.
L'Éveillé accomplit spontanément tout ce que lui dicte
l'inspiration divine, sans être touché par l'ombre du péché.
Constatant que malgré
nos efforts quotidiens nous demeurons fréquemment non-Éveillé et
donc en état de péché, deux erreurs sont à éviter :
Il faut éviter
d'utiliser la notion du péché pour justifier notre faiblesse. Une
telle utilisation de ce concept consisterait à renoncer à faire des
efforts quotidiens pour nous libérer du péché. Il s'agit en fait
de se dire : « Je n'y puis rien, car je suis un pécheur ».
C'est une position impie. Plus la prise de conscience de nos péchés
est grande, plus le désir de nous en libérer doit s'intensifier.
Sans ardeur rien n'est obtenu. Constatant l'imperfection de l'homme,
nous devons sans cesse aspirer à la perfection qui résulte de
l'Éveil vis-à-vis de notre Essence transcendante. La conscience du
péché doit devenir pour nous un tourment insupportable et c'est
précisément parce que ce tourment est insupportable que nous
trouvons, avec une énergie sans cesse grandissante, la force de lui
échapper, pour finir par lui échapper effectivement.
La deuxième erreur
consiste à se désespérer devant nos péchés et notre impuissance.
La première erreur est une passivité de paresse, la deuxième
erreur est une passivité de découragement. Quelles que soient nos
fautes et nos imperfections, sachons que nous sommes faits pour la
perfection et que nous l'atteindrons inéluctablement si, en dépit
de tous les obstacles, nous savons persévérer sur le Sentier de
l’Éveil. L'espérance en Dieu est la clef du Salut.
Pour comprendre la
nécessité du Salut, il faut avoir une juste vue du péché. Le
péché consiste à commettre le mal et le mal sous toutes ses formes
nous le voyons à l’œuvre autour de nous.
Regardez : le
mensonge, la médisance, la colère, l'ambition, l'avidité,
l'avarice, l'égoïsme, la vulgarité, la convoitise, la haine, le
sectarisme, la domination, la violence, le vol, la torture,
l'alcoolisme, la dépravation, l'orgueil, la suffisance... Regardez
tout cela et comprenez que la condition humaine est un puits obscur
dont il faut sortir à tout prix.
Cette prise de
conscience de la noirceur du monde et de l'homme est nécessaire.
Plus elle sera forte, plus elle vous fera chercher avec passion les
horizons ensoleillés de l’Éveil. L'ardeur spirituelle naît du
constat de l'abjection.
En vérité vous êtes
vautrés dans une mare d'immondices et vous ne le savez pas. Vous
vous prélassez béatement au sein de vos déchets et de vos
excréments.
Nombre de vos pensées
et de vos sentiments sont excrémentiels. Dans le puits de la psyché
humaine, le relent des motivations, des attachements et des égoïsmes
sent mauvais. Vous puez braves gens : il faut descendre avec une
lampe dans le puits obscur de l'intériorité psychologique. Il faut
y descendre par une observation de soi-même sans concession, qui
révèle la bassesse des coulisses subconscientes.
Par votre observation,
dégoûtez-vous de la société, dégoûtez-vous de l'homme,
dégoûtez-vous de vous-même. C'est excellent, cela renforce votre
détachement. Ensuite, lorsque la prise de conscience du péché sera
bien installée en vous et que vous parviendrez à aimer l'homme tel
qu'il est, votre amour sera un amour lucide et vrai. Tout amour qui
repose sur une idéalisation sentimentale est un amour de bazar.
C'est parce que l'homme est submergé par le péché que nous devons
l'aimer et le sauver.
Il faut dénoncer un
certain usage de la psychologie qui tend à tout excuser.
L'explication des causes ayant engendré le péché n'est pas une
excuse. Qui veut se transformer peut se transformer, voilà ce qu'il
ne faut jamais oublier.
Vous êtes faible et
bien il faut devenir fort. Vous êtes menteur, il faut devenir
véridique - Vous êtes violent, il faut devenir pacifique - Vous
êtes égoïste, il faut devenir généreux - Vous êtes agité, il
faut devenir calme.
Le fatalisme est une
abjection qui heurte le message de toutes les religions. Celui-ci se
résume par l'injonction : « Devenez purs, devenez
parfaits ». Si elles vous enjoignent cela, c'est parce que
l'homme est un être inachevé. Vous êtes une larve et les
enseignements vous disent : « devenez un papillon ».
Ce que vous êtes n'est pas important, ce qui compte c'est ce que
vous devez devenir. Le fatalisme entrave toute évolution. L'homme
doit vouloir de toutes ses forces devenir un être de lumière. Son
aspiration vers la beauté et la pureté doit devenir de jour en jour
plus lancinante. Elle doit réveiller une énergie qui finira par
être irrésistible. Ceci est le moteur de la Réalisation
spirituelle.
Certaines expressions
modernes de la spiritualité ont proscrit avec un souci d'asepsie la
notion de péché.
« Tout va bien »
disent-elles, « Il faut simplement chercher à rendre les
choses plus belles en évoluant ». De telles visions du monde
qui ont jeté un voile pudique sur la notion de péché ne
susciteront jamais l'ardeur qui est nécessaire pour la Réalisation
spirituelle.
En réalité :
« Tout va très mal, vous êtes tombés dans un monde de
ténèbres, votre cas est désespéré, voilà la vérité ».
Si vous ne comprenez pas cela, où trouverez-vous l'énergie qui est
indispensable pour rester Éveillé à chaque instant ?
Le cas de l'homme est
vraiment tragique. La mort approche. Il va mourir écrasé, englué
par ses péchés. Il va vers les ténèbres de la seconde mort et que
dit le tentateur ? Il dit : « Ne t'inquiète pas,
tout va très bien ». La pire des tentations est celle de la
quiétude. Tous les Maîtres spirituels sont venus sur terre pour
inquiéter les gens, pour essayer de les avertir, de les mettre en
garde, de les réveiller : « Faites attention, dès
maintenant chaque instant compte, la mort est toujours proche, il
faut absolument faire votre Salut ».
En évinçant la
notion de péché, les paltoquets de la spiritualité perdent toute
notion d'urgence. La spiritualité des tièdes est une fausse
spiritualité.
L'homme doit se
connaître en tant que pécheur, afin de se convertir pour trouver sa
grandeur et sa dignité.
La conversion est un
retournement total de l'individu qui, réalisant soudainement
l'horreur du péché et de l'inconscience dans lesquelles il a vécu,
se tourne résolument vers la recherche de l’Éveil à la présence
Divine et fait de cette recherche sa préoccupation primordiale.
La conversion
s'accompagne du repentir. Le repentir n'est pas simplement composé
de regrets et de honte. Il y a nécessairement regret et honte, mais
la caractéristique la plus importante du vrai repentir c'est la
production d'une très ferme détermination de changement.
Si les péchés sont
remis à l'homme grâce au repentir, c'est parce que le repentir
entraîne un changement purificateur du comportement. Pleurnicher sur
les fautes commises est tout à fait insuffisant. Vous avez fait ceci
et cela de négatif et bien maintenant faites le contraire. C'est
cela le repentir. C'est cela le rachat de vos péchés. C'est cela
l'expiation.
Les cérémonies
rituelles de confession des péchés et les pénitences rituelles, ne
sont que des signes extérieurs, dont le but est d'aider la
production de ce mouvement intérieur qu’est le repentir. Les rites
ne sont que des aides secondaires, on peut les utiliser et on peut
s'en passer. Par contre si les rites se substituent au repentir et si
vous vous imaginez que tel ou tel petit rituel exécuté durant votre
vie ou bien au moment du trépas est susceptible d'effacer
magiquement vos péchés, vous êtes tombés dans la superstition.
Répétons que rites et cérémonies ne sont que des supports
susceptibles, dans le meilleur des cas, de vous aider à instaurer en
vous un état de conscience spirituellement valable. Leur rôle et
leur fonction s’arrêtent là.
Divers enseignements
ont dit que certains grands Maîtres sont venus pour sauver les
hommes et pour racheter leurs péchés. Cela est vrai de tous les
Maîtres. Mais les ignorants se sont empressés de comprendre les
choses de travers. Ils se sont imaginé, ce qui était fort pratique,
mais totalement illusoire, qu'on allait les sauver sans qu'ils aient
d'efforts à faire.
Si un Maître tel que
le Christ est venu sur terre pour racheter les péchés des hommes,
la notion de « rachat » ne doit pas s'entendre comme la
capacité d'effacer les fautes commises par les hommes.
L'effacement des
péchés d'autrui, s'il était possible, serait une violation du
libre arbitre. Il s'avère que beaucoup de gens sont très attachés
à leurs péchés et très désireux de les conserver. Effacer les
péchés d'autrui serait réduire celui-ci à l'état d'une
marionnette dont on tire les ficelles. Une telle conception est
théologiquement insoutenable. Elle oblige à concevoir un Dieu
n'ayant pas créé des êtres libres. Or si l'être n'est pas libre,
le mal est engendré directement par Dieu et non comme c'est le cas
par le mauvais usage du libre arbitre humain.
Rendre Dieu
responsable du mal et ensuite déclarer qu'il efface les péchés au
gré de sa fantaisie est totalement absurde.
La liberté de Dieu
s'exprime dans la création des lois de l'univers. Ses lois ne
peuvent qu'être justes et équitables, puisqu'elles sont le reflet
de sa perfection. L'une de ses lois est celle de la rétribution des
actes, appelée Karma en orient. Effacer les péchés d'une personne
serait un acte arbitraire, qui contreviendrait la justice Divine.
L'aide rédemptrice que
Dieu dispense en ses incarnations Divines, consiste à nous donner
les moyens d'effacer nos péchés. Il ne s'agit pas pour Dieu
d'effacer les péchés des hommes sans leur demander leur avis. En
nous révélant la voie qu'il faut suivre, Dieu efface virtuellement
nos péchés. Quant à l'effacement effectif, il dépend de notre
travail intérieur.
Comme le dit Bouddha :
« Par soi-même le mal est fait, par soi-même le mal est
défait ».
Le symbolisme du
rachat des péchés doit s'entendre de la manière suivante : en
s'incarnant, Jésus de Nazareth, Moïse, Mahomet, Bouddha, Shankara
et les autres grands Maîtres, viennent sur terre pour frapper une
nouvelle monnaie spirituelle, grâce à laquelle les hommes pourront
se racheter. En nous donnant leur enseignement et en déversant sur
nous leur influence spirituelle, ils nous donnent symboliquement la
somme qui est nécessaire pour que nous achetions notre liberté et
cessions d'être les esclaves du monde. Cependant si nous gardons le
prix de notre Salut au fond de notre poche ou bien si nous le
dilapidons, nous demeurons en notre condition d'esclave. En faisant
le sacrifice de venir en l'imperfection de la condition incarnée et
en nous donnant leur enseignement, les grands Maîtres nous ont
apporté la possibilité du Rachat, cependant c'est seulement par nos
propres efforts et en nous emparant de l'enseignement des Maîtres
que nous actualiserons ce Rachat et que notre rédemption de
potentielle deviendra effective.
Si les grands Maîtres
n'étaient pas venus et ne continuaient pas à inspirer ceux qui se
confient à eux, si les Éveillés n'avaient pas enseigné de
Sentier, il n'existerait pas de Sentier. Il faut que les Maîtres
nous donnent une rédemption et un rachat potentiel, pour que nous
puissions réaliser effectivement notre rédemption et notre Rachat.
Ainsi nous comprenons
que les doctrines qui insistent sur la nécessité absolue de la
grâce et les doctrines qui insistent sur la nécessité des efforts
personnels ont conjointement raison.
Sans la grâce rien ne
serait possible, mais sans effort individuel les possibilités que
nous ouvre la grâce demeurent inemployées.
Tous les péchés
peuvent être remis, c'est à dire effacés par notre repentir, sauf
le péché contre Dieu. Le péché contre Dieu consiste à se fermer
intérieurement à la voie de l'inspiration Divine et à ses
exigences. Le péché contre Dieu ne peut être effacé, car ce péché
en empêchant le repentir, nous prive du moyen par lequel on peut
effacer les péchés.
C'est cette
inspiration de l'Esprit Divin, de l'Esprit Saint diraient les
catholiques, qui nous montre la voie de la rédemption enseignée par
les Maîtres. Nous sommes guidés extérieurement par les Écrits des
Maîtres, nous sommes guidés intérieurement par l'inspiration.
Les péchés sont
remis à celui qui se repent. Le repentir véritable contenant
rappelons-le, le regret des fautes commises, mais surtout une ferme
modification du comportement. La rémission des péchés est donc une
conséquence de la loi du karma, c'est-à-dire de la juste
rétribution des actes. En cessant, grâce à notre repentir, de
commettre le mal et en accomplissant le bien, nous effaçons les
péchés qui déterminaient notre destin futur. Nos actes, sentiments
et pensées lumineux, annulent l'empreinte laissée par les actes,
sentiments et pensées ténébreux.
Qui a fait un atome de
mal le verra dit le Coran. Telle est la loi qui s'applique
implacablement à ceux qui ne font pas leur repentir. Par le
changement de conduite radical qu'implique le repentir, nous
rachetons nos péchés. Ceux-ci sont effacés du livre symbolique où
ils étaient consignés. En cela résident la clémence et la
miséricorde de Dieu.
Après notre mort nous
ne devons subir que le poids des péchés qui ne nous ont pas été
remis ici-bas. Nous soupèserons chaque atome de mal qui n'aura pas
été racheté.
Dans le domaine des
lois cosmiques, on ne peut acheter une chose qu'à son juste prix.
Cela signifie que les mérites accumulés ne peuvent annuler qu'une
proportion équivalente de péchés.
Quitter la béatitude
transcendante pour venir en la condition incarnée, tel est le
sacrifice auquel consentent toutes les incarnations Divines. Dans le
cas du Christ, au sacrifice qui est inhérent au fait de descendre en
la condition humaine, s'est ajouté le fait que le Christ pour
accomplir la mission qui lui était prophétiquement assignée,
devait assumer un rôle qui, en fonction de la conjoncture
historique, le menait inéluctablement au supplice de la croix.
L'accomplissement de la mission du Christ qui, comme toutes les
missions assumées par les Incarnations Divines, était motivée par
l'amour, ne pouvait être séparé de l'acceptation du supplice en
usage à cette époque. C'est en ce sens que la crucifixion du Christ
est une preuve d'amour. Il a donné sa vie pour nous, car non
seulement il a accepté de venir en la condition humaine afin
d'enseigner les hommes, mais en plus et afin de ne pas trahir son
rôle et l'accomplissement des prophéties qu'il impliquait, il a
librement consenti au supplice.
La bonne compréhension
du sacrifice consenti par le Christ, exclut totalement la grossière
et superstitieuse interprétation littérale de la formule selon
laquelle le sang du Christ aurait lavé les péchés des hommes. Une
telle déclaration est acceptable si elle est entendue
symboliquement. En ce cas, elle revient à dire que si le Christ
n'avait pas accepté la crucifixion et l'histoire montre qu'il avait
effectivement la possibilité d'éviter le supplice, il n'aurait pas
accompli les prophéties et de ce fait il n'aurait pas réalisé
l’œuvre rédemptrice qui motivait son incarnation. Le contenu de
son enseignement aurait pu être le même, mais de par le
non-accomplissement des prophéties, le retentissement de cet
enseignement n'aurait pas été comparable. Le sang du Christ,
symbolisant la conséquence de l'acceptation du supplice, nous a donc
virtuellement sauvés, puisque c'est grâce à cette acceptation que
son enseignement est venu jusqu'à nous. Ceci est une interprétation
correcte. Malheureusement, certains théologiens n'ont pas parlé
symboliquement, ils ont envisagé la valeur salvatrice du sang
christique avec le plus grossier réalisme. Ils ont attribué une
espèce de valeur magique à l'écoulement de son sang. Une telle
conception se rattache aux formes de religiosité les plus
primitives. Elle ne mérite même pas d'être commentée. Son
absurdité apparaît clairement à tous ceux qui possèdent un
minimum d'intellectualité. Énoncer des absurdités et ensuite
déclarer que celles-ci constituent des mystères Divins qui
dépassent l'intelligence de l'homme, telle est l'argumentation d'un
théologien poussé en ses derniers retranchements.
Le Christ est venu
pour sauver tous les hommes. C'est-à-dire qu'il est venu offrir à
tous les hommes un enseignement salvateur. Ceci n'est pas seulement
le fait du Christ, comme le déclarent certains sectaires. Toutes les
Incarnations Divines, grands Maîtres et prophètes, sont venus sur
terre pour sauver tous les hommes et leurs enseignements s'adressent
l'humanité entière. Multiples sont les voix qui nous appellent à
la Rédemption.
La rémission des
péchés, qui est la conséquence du repentir, nécessite comme
préalable la conscience du péché. C'est une grave inconscience
spirituelle qui fait dire à des hommes imparfaits qu'ils ignorent ce
qu'est le péché.
Ne peut finir par se
libérer du péché, que celui qui a commencé par en prendre
conscience. Il faut sentir le poids du péché, en nous et autour de
nous, tout en aspirant à la Lumière, pour nous ouvrir à
l'inspiration Divine qui nous montrera l'exigeante voie de la
rédemption. Dieu ne guide que celui qui cherche de l'aide.
Aspiration vers la
Lumière, désir d’Éveil et de Réalisation spirituelle, ne sont
pas dissociables.
La conscience du
péché, la souffrance du péché nous poussent à chercher l’Éveil
et dans l’Éveil nous sommes libérés du péché.
Le péché originel
n'est rien d'autre que l'identification à l'homme qui survient dans
la petite enfance. Voici pourquoi il est l'héritage de l'humanité
tout entière. Dans la désidentification qui accompagne l’Éveil,
nous comprenons que seul le véhicule humain, en son imperfection,
est pécheur. Dès lors nous pouvons reprendre les affirmations du
livre des morts des anciens Égyptiens et dire : « Je suis
pur, je suis pur, je suis pur ». Vous comprenez « J'ai
toujours été pur » - « Je suis éternellement pur ».
Vous pouvez reprendre à votre compte les paroles de la Vierge Marie
définissant son Immaculée Conception. Vous pouvez dire « Ma
conception fut immaculée. Ce que je suis réellement n'a jamais été
touché par le péché. »
Prendre conscience de
notre pureté et rester conscient d'elle, c'est devenir effectivement
pur.
Dans la Bible Dieu
nous dit : « Soyez saint, car moi je suis saint ».
La sainteté ne résulte pas du perfectionnement du véhicule humain.
Il n'y a pas dans le monde des choses temporelles relatives et
éphémères de véhicule humain totalement parfait. Si la sainteté
résultait du perfectionnement du véhicule comme certains l'ont cru,
les paroles Divines seraient irréalisables. Par contre si nous
cessons de nous identifier à l'homme, nous trouvons au fond de
nous-mêmes la présence de la sainteté Divine et reconnaissant que
cette présence est notre Soi, notre Atman, nous devenons conscients
de notre sainteté et de notre pureté éternelle. Plus nous en
restons conscients, plus nous la rendons effective.
La Rédemption et la
libération du péché se résument donc de la manière suivante :
d'instant en instant, soyez conscient de l'intemporalité, de
l'éternité, de la pureté, de la sainteté et de la Divinité de
votre nature profonde.
En vérité, en
vérité, vous n'êtes pas cet homme imparfait et pécheur, vous
n'appartenez pas à ce monde ténébreux, vous n'êtes pas cela, vous
n'êtes pas cela - Neti - Neti - disent les Upanishads.